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Rubrique : actualités / Branche : libertés individuelles et publiques / Domaine : données personnelles, vie privée et droit à l'image
Citation : Juriscom.net, Sandrine Rouja , Première loi ''anti-spyware'', source de nombreux conflits d'intérêts , Juriscom.net, 10/06/2004
 
 
Première loi ''anti-spyware'', source de nombreux conflits d'intérêts

Juriscom.net, Sandrine Rouja

édité sur le site Juriscom.net le 10/06/2004
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« La publicité au moyen de pop-ups est à la navigation sur Internet ce que le spam est à l’email » déclarait le président d’Overstock, alors que sa société de commerce en ligne poursuit actuellement son concurrent Smartbargain pour avoir fait paraître sur son site une publicité non autorisée à l’aide de pop-up. Cette déclaration met en évidence l’intérêt d’une réglementation en la matière.

 

En effet, non seulement les pop-ups ont permis à certains comportements parasitaires de se développer, mais en plus ils sont souvent gérés à partir de spywares. Or, si les adwares (advertising softwares) sont censés recueillir notre accord avant de régir la publicité sur nos ordinateurs d’après l’étude de nos comportements, les spywares (ou espiologiciels) sont beaucoup plus malicieux et se passent de notre consentement éclairé. Ils s’installent sur nos ordinateurs à notre insu, à l’occasion de téléchargements de logiciels gratuits, comme des économiseurs d’écran, des accélérateurs de téléchargements ou des logiciels de peer-to-peer (pour exemples, SaveNow, Download Accelerator, Cute FTP, Go!zilla, Kazaa ou IMesh). Véritables logiciels espions, ces spywares vont alors collecter les informations personnelles que nous aurons laissées sur le site au moment du téléchargement, ou bien tracer les comportements sur Internet pour permettre d’afficher des publicités ciblées ou de rediriger les internautes sur un autre site.

 

Déjà pionnier en matière de signature électronique, l’état américain de l’Utah récidive en étant le tout premier au monde à avoir adopté une loi « anti-spyware ». Ce qui ne va pas sans soulever quelques difficultés (Anita Ramasastry, "Can Utah's New Anti-Spyware Law Work?", Findlaw.com, 1er juin 2004).

 

Tout d’abord, diverses sociétés opérant sur Internet ont uni leurs voix contre une définition trop large des spywares telle qu’elle résulte de la loi de l’Utah (American Online, Amazon.com, AT&T, CNet Networks, eBay, Google, Microsoft Corp., Verizon Communications, ou Yahoo!). Elles clament que cette définition pourrait affecter certaines fonctions basiques de la communication sur Internet.

 

Google, par exemple, utilise des moyens de traçage du comportement des internautes lui permettant d’afficher les sites proches de la recherche de l’utilisateur et ainsi d’améliorer la performance de son moteur. Son programme AdWords est d’ailleurs très controversé puisqu’il permet d’acheter des publicités ciblées associées à certains mots clés. Google vient de proposer plusieurs lignes directrices à l’intention des programmeurs de logiciels d’adwares et de spywares, parmi lesquelles figurent par exemple l’information des internautes ou la non-divulgation des données personnelles transmises par ces derniers (Declan McCullagh, "Google defines good manners for adware", News.com, 19 mai 2004). Dans le cadre de la compétition que se livrent les géants de la recherche en ligne, l’application d’un code de bonne conduite permettrait surtout à sa barre d’outils d’être plus efficace et de prendre dans ses filets les pop-ups générés par des sociétés comme WhenU ou Claria (Sophie Fievee-Balat, "Google, Yahoo, Microsoft : une guerre annoncée autour de la recherche sur Internet", Journaldunet.com, 7 juin 2004). Yahoo, de son côté, vient aussi de proposer sa toute nouvelle barre d’outils qui offre la possibilité de contrôler les spywares.

 

La loi de l’Utah prévoit, non seulement l’obligation d’informer l’utilisateur de l’installation d’un spyware sur son PC, mais aussi son consentement et, surtout, la possibilité de le désinstaller. Elle devait entrer en vigueur le 3 mai dernier, mais voit déjà sa constitutionalité mise en cause par la société WhenU, connue pour produire des adwares et vendre des publicités aux concurrents de certains sites. L’application de la loi se trouve donc suspendue dans l’attente d’un prochain jugement (Stefanie Olsen, "Adware maker challenges Utah anti-spyware law", CNet News.com, 13 avril 2004).

 

Auparavant, aux Etats-Unis, le principe des pop-ups sur le site d’un concurrent avait déjà été admis au motif que les internautes qui ont téléchargé l’adware avaient consenti à ce téléchargement ("Pop-ups : cachez cette fenêtre que je ne saurais voir", Foruminternet.org, 7 juillet 2003). De ce fait, la société WhenU n’a pas été condamnée, mais le fut quelques mois plus tard, en décembre 2003, sur le terrain du droit des marques.

 

En Europe, le juge allemand a eu à se prononcer, le 26 mars dernier, dans une affaire similaire opposant la société Hertz à la société de publicité électronique Claria, société anciennement appelée Gator, célèbre pour avoir utiliser les spywares. La société Claria a pu être sanctionnée sur le fondement de la concurrence déloyale (Sterenn Le Roux, "Le pop-up sanctionné par la justice allemande", Juriscom.net, 8 avril 2004).

 

Aux Etats-Unis, la suspension de la loi de l’Utah n’a pas empêché Overstock de s’appuyer sur elle et poursuivre SmartBargain pour publicité intrusive. Overstock base par ailleurs son action sur la concurrence déloyale et l’interférence avec un avantage économique éventuel. En effet, la publicité faite par un concurrent sur son site pourrait avoir pour effet de détourner les clients et porte atteinte à l’image du site (« alter the appearance of the web page »). Et ce d’autant plus qu’Overstock déclare avoir pris le parti stratégique de ne pas travailler avec des sociétés qui utilisent des spywares.

 

La matière est difficile à réglementer comme en témoigne la peine qu’a le gouvernement américain à arrêter une définition du spyware.

 

La loi « anti spyware » de l’Utah se trouve concurrencée par deux projets de lois déposés en avril dernier devant le Congrès américain (Declan McCullagh, "Washington wakes up to spyware, adware", CNet News.com, 28 avril 2004). D’un certain point de vue, une loi promulguée au niveau fédéral empêcherait des régulations diverses de voir le jour, ce qui serait un véritable casse-tête pour les sociétés dont l’activité rentre dans le champ d’application de ces lois. Déjà, des projets de réglementation sont à l’étude dans les états de Californie, de l’Iowa et de New York. Or, en cas de conflit, c’est bien sûr la loi fédérale qui prévaudrait sur celle des états fédérés.

 

 

Sandrine Rouja

Secrétaire de rédaction de Juriscom.net

 

 

 

 

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