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Rubrique : actualités / Branche : droit des obligations ; preuve ; responsabilité / Domaine : contenus et comportements illicites
Citation : Juriscom.net, Philippe Amblard , La turpitude des sites hébergés à la charge de leurs hébergeurs : R@s acquité, Ouvaton sanctionné , Juriscom.net, 04/12/2003
 
 
La turpitude des sites hébergés à la charge de leurs hébergeurs : R@s acquité, Ouvaton sanctionné

Juriscom.net, Philippe Amblard

édité sur le site Juriscom.net le 04/12/2003
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Par les ordonnances de référé du 24 novembre (CeritexMediatel c/ Sud R@s) et du 1er décembre (Métrobus c/ Ouvaton), le TGI de Paris nous confirme avec une heureuse coïncidence l’impossible situation des fournisseurs d’hébergement face aux plaintes de tiers.

Ceritex – Mediatel c/ Sud – R@s

Dans la première affaire jugée le 24 novembre 2003, le juge écarte toute responsabilité de l’hébergeur associatif R@s (Réseau associatif syndical). Ce dernier était mis en demeure par les sociétés B2S CERITEX et MEDIATEL de suspendre la diffusion du site www.sudptt.fr édité par le syndicat SUD PTT. Les deux sociétés commerciales reprochaient à ce site syndical la diffusion d’informations à caractère injurieux ou diffamatoire tant à leur égard qu’à celles de leurs dirigeants. Le Tribunal n’a pas suivi les conclusions des demandeurs. Rappelant que son office lui permettait de restituer aux faits leur exacte qualification, le juge a refusé de voir dans la mise en ligne de tracts déjà publiés dans différents numéros du bulletin syndical "protestataires de services" un acte de diffamation. Ces tracts, qui critiquaient sévèrement l’action des cadres dirigeants comme la politique de la société, ne constituaient pas aux yeux du juge un abus du droit d’expression syndical. Dans ces conditions, l’ordonnance de référé constate que la responsabilité de l’hébergeur n’a nullement à être engagée, le caractère manifestement illicite des tracts mis en ligne et l’existence d’un dommage imminent n’étant pas établis. Conformément aux dispositions de l’article 43-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, l’hébergeur R@s n’a pas eu à agir promptement pour bloquer l’accès au site car l’autorité judiciaire ne l’a pas saisi. De plus, "vu l’absence de trouble à caractère manifestement illicite ou de dommage imminent, (...) il n’apparaît pas contraire à l’équité de ne mettre à la charge des demandeurs (B2S CERITEX et MEDIATEL) qu’une partie des frais irrépétibles engagés par le R@s, prestataire d’hébergement devant être assigné pour que les demandeurs puissent effectivement exiger une réaction de sa part au cas où il aurait été fait droit à leur demande". Au titre de l’article 700 du NCPC, le juge condamne donc les sociétés B2S CERITEX et MEDIATEL à payer 3000 € à l’hébergeur R@s et 2000 € à chacune des organisations syndicales Sud PTT et Sud CERITEX.

Métrobus c/ Ouvaton

Dans la seconde affaire jugée le 1er décembre, bien que reconnaissant le strict respect des dispositions légales par l’hébergeur comme dans la première affaire, le même juge fait cette fois-ci supporter partiellement les frais de la procédure à l’hébergeur OUVATON. Ce dernier fut mis en demeure par la société METROBUS (Régie publicitaire de la RATP) de cesser l’hébergement du site "stopub.ouvaton.org" et de communiquer tous les éléments d’identification dont il disposait concernant l’éditeur et/ou les auteurs du site litigieux. En l’espèce, le juge constate la réalité du préjudice très important qui résulte de l’appel au boycott publicitaire lancé par le site "stopub.ouvaton.org" et de la dégradation consécutive de très nombreux panneaux publicitaires. Pour le tribunal, le caractère légitime de l’intérêt de la société METROBUS à sa demande de communication des éléments d’indentification des éditeurs du site litigieux ne fait aucun doute. Sur ce point, l’hébergeur OUVATON ne nie pas cette réalité et indique au Tribunal que suite à la sommation faîte par huissier le 6 novembre 2003, le webmestre du site "stopub.ouvaton.org" a fermé l'accès aux contenus litigieux le 22 novembre 2003. Par contre, conformément aux articles  43-8 et 43-9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, l’hébergeur n’accepte de communiquer les éléments d’identification des éditeurs ou des auteurs du site litigieux hébergé par lui uniquement si l’autorité judiciaire le requiert. C’est pourquoi l’ordonnance de référé du 1er décembre rappelle que cette attitude de l’hébergeur OUVATON est conforme à ses obligations légales et, par suite, ne requiert donc ni astreinte ni l’office d’un huissier pour la communication des informations relatives aux auteurs du site litigieux. Par contre, le juge considère "qu’il ne serait pas conforme à l’équité de faire application des dispositions de l’article 700 du NCPC au bénéfice de la société OUVATON qui doit assumer la contrepartie du régime particulier de responsabilité qui lui est applicable". Paradoxalement, l’adoption d’une attitude conforme à la loi n’évite pas à l’hébergeur OUVATON de supporter le coût des frais de défense devant le tribunal.

Conclusion à la lecture de ces deux ordonnances concomitantes : selon que le site litigieux est jugé par l’autorité judiciaire préjudiciable ou non aux intérêts des tiers, l’hébergeur doit s’attendre à supporter le coût partiel d’une procédure en référé, le bénéfice de l’article 700 du NCPC ne lui étant acquis que si le contenu des sites est reconnu licite. Se profile ainsi l’impossible exercice de fournisseurs d'hébergement contraints en pratique à censurer plutôt que d’avoir à supporter les conséquences financières de l’hébergement de contenus préjudiciables. Peut-être un avant-goût du projet de Loi pour la Confiance dans l’économie numérique (LCEN) [assemblee-nationale.fr] appelé au vote en deuxième lecture devant l’Assemblée nationale…

Philippe Amblard
Docteur en droit
Membre du Comité scientifique de Juriscom.net

 

 


 

 

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