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Rubrique : actualités / Branche : droit des marques et des dessins & modèles / Domaine : noms de domaine et référencement
Citation : Juriscom.net, Cédric Manara , La prison pour un oui ou pour un nom , Juriscom.net, 13/02/2004
 
 
La prison pour un oui ou pour un nom

Juriscom.net, Cédric Manara

édité sur le site Juriscom.net le 13/02/2004
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Aux USA, il est proposé de criminaliser la fourniture d’informations inexactes au WhoIs.

 

« Qui a miné la base, qui a fait sauter le pont, qui avait disposé du ciment sous les plaines ? »

(Noir Désir, En route pour la joie, 1991)

 

« L’auteur de l’enregistrement a fait en sorte de ne pas être réellement identifiable puisque ne peut être repéré qu’un prénom, Nicolas, et que l’adresse fournie est objectivement incohérente, renvoi étant fait à Heidelberg... en France — suivant les coordonnées telles que fournies par Gandi :

 owner-address: Nicolas
 owner-address: dasd lkjf sldkfj sdldskjflsdkfj
 owner-address: da dfqs dsf sdfmlkjs dflksdjf lsdkj
 owner-address: da
 owner-address: 2367
 owner-address: Heidelberg
 owner-address: France.

C’est là une pratique qui ne saurait caractériser la bonne foi ! ».

 

Voici ce que l’on peut lire dans la décision de la commission administrative du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI. dans une affaire Société Endemol Développement contre Nicolas [arbiter.wipo.int] - sous la plume de l’arbitre Michel Vivant. C’est parce que la personne qui avait réservé le nom de domaine <loftstory2.com> avait falsifié son identité que son enregistrement fut considéré contraire au paragraphe 4.b des principes UDRP. Demain, celui qui ne donnerait pas son identité exacte pourrait-il aussi être pénalement inquiété ? C’est ce qui est proposé devant le Congrès des Etats-Unis : a bill to provide additional civil and criminal remedies for domain name fraud [scrawford.net - PDF].

 

L’idée est d’ajouter à l’actuelle loi sur les marques un nouvel article, qui permettrait de sanctionner celui qui fournirait des fausses informations dans les rubriques « contacts » qu’il est nécessaire de renseigner, lors de l’achat ou du renouvellement d’un nom de domaine. Le texte prévoit que le « délinquant » pourra être puni de… sept années d’emprisonnement.

 

On observe ces dernières années une surenchère répressive, dans le domaine de la propriété intellectuelle et des réseaux. Ces derniers rendant comme on le sait, plus aisée la reproduction ou l’attribution, et plus délicate les poursuites, le balancier législatif s’est alourdi de nouvelles sanctions. Il n’est certes pas question de revenir sur le droit à protection des auteurs ou des titulaires de marques… Mais est-il raisonnable de suggérer une peine corporelle pour… un simple écran de fumée ?

 

Aujourd'hui, le « WhoIs », cette immense base de données qui regroupe les coordonnées fournies par les titulaires de noms de domaine, s’utilise presque comme un annuaire – mais un annuaire qui n’aurait pas de liste rouge. Cette liste ouverte, dont on estime qu’elle recense 30 millions de personnes, est une corne d’abondance pour nourrir les envois des auteurs de messages non sollicités (un autre fléau…). Le moteur de recherche le plus populaire offrait encore récemment la possibilité de fureter directement dans cette base (S. Olsen, Networks Solutions cuts Google shortcut, CNET News.com, 27 janvier 2004) !

 

Dans ces conditions, il n’est pas déraisonnable de penser que la délivrance d’informations inexactes au WhoIs peut n’être pas guidée par une intention frauduleuse, mais simplement par le souci de n’être pas importuné – alors qu’il n’existe aucune alternative à l’obligation de fournir divers renseignements à l’occasion de l’enregistrement d’un nom de domaine. La proposition de loi est symptomatique de ces normes élaborées sans aucune vue d’ensemble de la dynamique complexe des activités électroniques : si elle est adoptée, celui qui a acquis en toute bonne foi un nom dont il ignorait qu’il correspondait à un signe protégé ici ou là pourrait être inquiété. Ce qui signifie que, vous ou moi, nous pouvons commencer à trembler…

 

Cédric Manara

Membre du Comité scientifique de Juriscom.net

Institute for International Law and Public Policy
Temple University Beasley School of Law

EDHEC Business School

 

 

 

 

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