Créée à l’initiative des éditeurs de presse belge, la société Central Station recueille régulièrement l’ensemble des articles de presse sur son serveur. Celui-ci s’étant ouvert aux utilisateurs d’Internet depuis mai 1996, les journalistes ont font grief à la société Central Station de ne pas respecter leurs droits d'auteur.
Faisant droit à la demande de l’Association générale des journalistes professionnels de Belgique (l’Agjpb), de deux sociétés de défense des droits d'auteur et de 21 journalistes, le Tribunal de 1ère instance de Bruxelles ordonne à Central Station la cessation de toute diffusion d’articles de la presse belge sur réseaux informatiques.
Le tribunal désirait résoudre une question cruciale, à savoir si les journalistes salariés avaient cédé leurs droits de reproduction aux exploitants. Or, la loi du 22 mars 1886, applicable en la matière, admettait la possibilité d’une cession implicite lorsque celle-ci n’intéresse que la stricte activité commerciale de l’entreprise. En l’absence de cession écrite, il fallait donc rechercher si la diffusion effectuée par Central Station correspondait "strictement à l’activité des éditeurs avec lesquels les journalistes ont contracté".
Dans sa décision du 16 octobre 1996, le tribunal répond par la négative en constatant que Central Station n’est pas un organe de presse. La société aurait dû donc obtenir le consentement exprès des journalistes avant de procéder à la diffusion de leurs articles. La décision s’arrête malheureusement ici, sans donner plus de précisions sur l’étendue de la cession.
L’arrêt confirmatif du 28 octobre 1997 viendra combler ce vide en consacrant une grande importance à la volonté des parties. Il ajoute aux arguments du juge de 1ère instance que dans l’hypothèse d’une cession implicite, il aurait fallu déterminer si la volonté des auteurs était bien de diffuser leurs œuvres "selon des procédés qui n’étaient pas encore inventés au moment de la conclusion du contrat de travail". La Cour d’appel souligne alors que le journaliste n’auraient pu céder, à l’époque, que "la mise en valeur typographique de ses idées". En l’absence d’une manifestation explicite de la part des journalistes, les effets de la cession doivent donc se limiter à la seule publication papier.
Lionel Thoumyre
Dir. éditorial de Juriscom.net