L'association Music Contact éditait sur son site Internet, hébergé par la société I-France, des textes de chansons de Jean F. Le chanteur et les productions Gérard Meys (la société Productions Alléluia et Gérard Meys) et la société Teme, assignèrent conjointement l'association et la société I-France. Celle-ci hébergeait, en outre, un site diffusant les interprétations de deux titres du chanteur et dont les éditeurs n'étaient pas identifiables.
Le tribunal a d'abord considéré le cas de l'association Music Contact avant de se prononcer sur la responsabilité du fournisseur d'hébergement. Ainsi, a-t-il condamné la première à verser 6900 € de dommages et intérêts pour contrefaçon à chacun des cessionnaires du droit de reproduction des chansons. Le chanteur a, lui, perçu la même somme pour atteinte à son droit moral. En revanche, le tribunal n'a pas retenu la responsabilité de I-France qui avait fermé les sites dès qu'elle eût pris connaissance, lors de son assignation, des faits litigieux.
Concernant l'association, les juges ont reconnu que tant les sociétés de production que le chanteur étaient recevables à agir contre elle, mais pour les seules chansons écrites par ce dernier. Les Productions Alléluia et Gérard Meys ont pu agir sur le terrain de la contrefaçon. Cela en raison des contrats d'édition les liant à Jean F. qui leur conféraient les droits de reproduction sur les chansons écrites par lui sur tous les supports "connus et non encore connus". Le tribunal en a conclu qu'ils étaient titulaires des droits sur les textes des chansons pour une exploitation en ligne sur le fondement des articles L 131-3 et L 131-4 CPI.
Le chanteur n'ayant pas consenti à la publication électronique de ses textes, les magistrats y ont vu une atteinte à son droit de divulgation et à l'article L 121-2 CPI. Ce faisant, ils ont adopté une position peut-être opposée à celle de la Cour d'appel de Paris qui, par un arrêt du 14 février 2001, expliquait que le droit de divulgation s'épuise par le premier usage. En effet, ce premier usage ne pouvait-il résider dans la mise en circulation des disques ou, si elle existe, dans l'inscription des paroles sur la pochette du disque, voire dans l'interprétation en public des chansons par Jean F. ? La divulgation consiste-t-elle dans la simple mise en contact du public avec l'œuvre ou doit-elle être appréciée selon chaque type de support ? La question surgira peut-être en appel.
Considérant ensuite le cas du fournisseur d'hébergement, le tribunal s'est prononcé sur les deux fautes alléguées par les demandeurs. La première résidait selon eux dans le fait que la société I-France, suite à une première assignation de leur part pour des faits similaires concernant d'autres sites, aurait dû vérifier le contenu du site de l'association. Mais les juges ont refusé cette argumentation de contrôle systématique des sites puisque toute diffusion de chansons de Jean F. n'est pas illicite en soi : le chanteur aurait pu consentir à certaines. Aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de la société I-France qui avertissait ses adhérents de l'obligation d'obtenir l'accord des ayants droits avant de diffuser sur Internet des données protégées par un droit de propriété.
Le second reproche fait à l'hébergeur résidait dans l'impossibilité d'identifier les éditeurs du site diffusant deux chansons de Jean F. comme le leur impose la loi du 1er août 2000. Mais ce grief a aussi été écarté par le tribunal : la création du site était antérieure à l'entrée en vigueur de la loi.
Guillaume Gomis
Membre du Comité éditorial de Juriscom.net