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Rubrique : jurisprudence - texte / Branche : droit des marques et des dessins & modèles / Domaine : noms de domaine et référencement
Citation : , TGI Nanterre, 14 mars 2005, Kraft Foods Schweiz Holding AG c/ Madame Milka B. , Juriscom.net, 16/03/2005
 
 
TGI Nanterre, 14 mars 2005, Kraft Foods Schweiz Holding AG c/ Madame Milka B.

édité sur le site Juriscom.net le 16/03/2005
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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

2ème chambre, le 14 mars 2005

SA Kraft Foods Schweiz Holding AG c/ Madame Milka B.

Mots clés : nom de domaine - nom patronymique - contrefaçon (oui) - transfert du nom de domaine (oui)

Extraits :

"(...) Sur les demandes de la société Kraft Foods :

En l’espèce il est certain que Milka B. a réservé, et utilise, un nom de domaine qui reproduit à l’identique les marques dénominatives "Milka" appartenant à la société Kraft Foods. L’ajout du suffixe ".fr" n’altère pas l’identité des signes puisqu’il s’agit de l’extension, partie nécessaire du nom de domaine qui permet de caractériser sa nature ou sa provenance géographique.

Il est évident que l’emploi par Milka B. de ce nom de domaine ne concerne pas des produits ou services identiques ni similaires à ceux protégés par les marques de la société Kraft Foods, lesquelles dans leur dépôt ne visent que des produits alimentaires.

La société Kraft Foods invoque donc pour soutenir ses demandes l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle qui dispose :

"L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière".

La grande notoriété en France des marques dénominatives "Milka" qui sont connues de la grande majorité du public, est manifeste et Milka B. la reconnaît dans ses écritures.

Par contre elle conteste la notoriété des marques figuratives représentant une couleur de la société Kraft Foods. Mais cette question importe peu puisque la société Kraft Foods ne se plaint que de leur imitation et ne fonde pas son action concernant les marques de couleur sur les dispositions de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle applicables aux marques notoires mais sur les principes généraux de la responsabilité civile.

La société Kraft Foods est donc fondée à invoquer la protection spéciale de ses marques notoires par l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle en dehors de leur spécialité.

Cependant le simple enregistrement du nom de domaine reproduisant la marque ne suffit pas à lui seul à engager la responsabilité de son auteur. Il faut que soit caractérisé l’un des deux cas visés par l’article L 713-5.

L’emploi par Milka B. du terme "Milka" peut donc être sanctionné dans deux cas : s’il est de nature à causer un préjudice au titulaire des marques, s’il constitue un emploi injustifié de celle-ci.

En l’espèce, Milka B. dont "Milka" est le prénom et non le patronyme, peut certes l’utiliser paisiblement dans son identité, mais son prénom dont elle n’a pas le monopole, même s’il n’est pas très répandu en France, ne lui confère aucun droit sur ce terme dans la vie des affaires ou la sphère commerciale.

De même, elle ne tient pas de son enseigne, qui n’est pas "Milka" mais "Milka couture" et dont le rayonnement est simplement local, un droit sur le terme "Milka" opposable au titulaire de la marque "Milka" déposée en France et utilisée depuis des dizaines d’années.

Il ne suffit pas qu’un nom de domaine soit disponible pour que cela donne à celui qui le réserve en premier un droit de priorité à son utilisation.

En l’espèce, il ne suffirait pas à la société Kraft Foods de se plaindre de ne pas pouvoir utiliser le nom de domaine "milka.fr" pour assurer la promotion de ses marques notoires sur internet à destination des français alors qu’elle est déjà titulaire de plusieurs noms de domaine, dont "milka.com". Il n’y a pas de raison de lui réserver le nom de domaine milka.[suffixe] dans toutes les extensions alors que d’autres personnes peuvent avoir des droits sur ce terme et ont aussi vocation à utiliser le réseau internet. Mais en sa qualité de titulaire de la marque notoire "Milka" la société Kraft Foods est fondée à s’opposer à l’emploi de sa marque comme nom de domaine par Milka B., parce qu’un tel emploi en l’espèce n’est pas justifié par un droit sur ce terme pour une activité économique et qu’il est de nature à banaliser sa marque et à l’affaiblir son pouvoir distinctif.

De plus, la couleur choisie à l’origine par Milka B., consciemment ou non, pour le contenu de son site, rappelait la couleur de la marque associée au chocolat "Milka". On ne saura jamais quelle était la nuance exacte à défaut d’analyse chromatique des copies d’écran réalisées en 2002 et 2003. Néanmoins, l’allusion à la couleur déposée à titre de marque existait objectivement, de façon évidente si c’était un mauve comme celui reproduit dans les constats d’huissier, et aussi par ressemblance si c’était un rose fuschia comme le soutient l’intéressée.

Il n’est pas établi qu’en choisissant la couleur de son premier site Milka B. a entendu se placer dans le sillage des produits "Milka" qui n’ont rien à voir avec son métier. Mais le fait qu’une couturière de la Drôme se fasse connaître en associant la marque "Milka" et une couleur rappelant celle de l’emballage du chocolat Milka renforce l’atteinte à l’image de la marque "Milka" et à son fort pouvoir distinctif que la société Kraft Foods entretient par des investissements publicitaires considérables.

Les conditions d’application de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle sont ainsi réunies.

Pour mettre fin à l’emploi injustifié de la marque "Milka" par Milka B., il faut faire droit à la demande de transfert du nom de domaine litigieux au profit de la société Kraft Foods, avec exécution provisoire et sous peine d’astreinte passé le délai accordé pour exécuter la décision.

Ce transfert sans frais pour la société Kraft Foods suffira à assurer la réparation du préjudice subi par elle du fait de la réservation du nom de domaine "milka.fr". En effet la résistance initiale de Milka B. était excusable en raison de son ignorance du droit des marques et des termes très comminatoires de la mise en demeure par laquelle la société Kraft Foods s’est prévalue de ses droits, alors que la mauvaise foi de Milka B. lors de l’enregistrement du nom de domaine n’est pas établie.

Certes le constat d’huissier de justice du 7 janvier 2005 montre que l’exploitant du site "milka.fr" profite de sa notoriété à des fins publicitaires. Mais ce fait est récent et c’est la résultante de l’intérêt porté par les médias à l’histoire de Milka B., et non de l’usage de la marque "Milka".

De même la demande de dommages-intérêts pour propos dénigrants est mal fondée, le litige existant entre Milka B. et la société Kraft Foods pouvant justifier un ton polémique, d’ailleurs peut être amplifié par l’écho médiatique. (...)"

Téléchargez la minute originale de la décision au format PDF en cliquant sur le lien ci-dessous.

Remerciements à Frédéric Glaize pour la communication de cette décision

 

 


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