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Rubrique : actualités / Branche : droit des obligations ; preuve ; responsabilité / Domaine : contenus et comportements illicites
Citation : Juriscom.net, Cédric Manara , VELIB’ : comment ne pas se faire rouler ! , Juriscom.net, 12/03/2008
 
 
VELIB’ : comment ne pas se faire rouler !

Juriscom.net, Cédric Manara

édité sur le site Juriscom.net le 12/03/2008
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Légalement, le contrat de location Vélib’ « courte durée » est un contrat de commerce électronique. En effet, le commerce électronique ne se limite pas aux transactions conclues via internet : il s’agit de « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services’ (art. 14, al. 1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique [Legifrance.gouv.fr]).

Pour louer un Vélib’, on n’utilise pas le navigateur web de son ordinateur, mais une borne. Cette borne permet notamment de distribuer un ticket pour utiliser le service, de choisir un vélo quand on s’est abonné, d’accéder à son compte client, de consulter l’état de remplissage des stations voisines… (art. 2 des conditions générales d’accès et d’utilisation du service VELIB’ par les abonnés courte durée, en vigueur depuis le 13 juin 2007 [velib.paris.fr]). Ce qui entre pareillement dans la définition du commerce électronique, que la loi complète ainsi : « Entrent également dans le champ du commerce électronique les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, y compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent » (art. 14, al. 2).

Bref, comme on utilise internet pour une prestation de service, dans le cas du Vélib’ on utilise le réseau formé par les bornes. Le prestataire du service Vélib’ propose au moyen d’une technique de communication un contrat à distance, qui doit à ce titre respecter les règles du Code de consommation applicables à ce type de contrat [Legifrance.gouv.fr].

Le consommateur est protégé par ces règles. Mais cela ne signifie pas, par exemple, qu’il peut exercer son droit de rétractation comme lorsqu’il commande un objet en ligne : le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de services dont l’exécution a commencé (art. L. 121-20-2 1° du Code de la consommation). Mais la personne qui loue un Vélib’ bénéficie, paradoxalement, d’un régime particulièrement protecteur, qui avait été conçu en pensant au seul commerce sur internet : le régime de la responsabilité de plein droit.

La loi prévoit que celui qui exerce une activité de commerce électronique « est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat » (art. 15 de la LCEN, duquel il faut rapprocher l’art. L. 121-20-3 du Code de la consommation). Cette disposition est destinée à empêcher, par exemple, qu’un cyber-vendeur professionnel se défausse sur les services postaux si le colis attendu par son client n’est pas arrivé : quoi qu’il arrive, il est responsable à l’égard de ce client.

Appliqué au cas du Vélib’, cela pourrait bien signifier que le prestataire du service est légalement tenu d’assurer un service impeccable. Par exemple de n’offrir à la location que des vélos en excellent état – et qui le restent ! Le droit ne prévoit pas qu’il puisse s’exonérer de sa responsabilité, sauf « en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure » (art. 15). Une disposition qui rendrait fragile l’argumentation éventuelle du prestataire selon laquelle le vélo aurait été endommagé par un précédent client de son service (a priori, il ne s’agit pas d’un fait imprévisible !).

C’est ainsi que, s’il s’aperçoit en cours de route du mauvais état du vélo qu’il a loué, le consommateur malheureux pourrait demander à être indemnisé, le prestataire étant responsable de plein droit. Mais à 1 € l’abonnement journalier et 5 € l’abonnement hebdomadaire, on ne risque pas de voir fleurir les lettres recommandées ou les actions en justice…

Une autre action pourrait plus sérieusement être dirigée contre le prestataire. En effet, le service n’est accessible qu’à celui qui détient une carte bancaire (art. 4.1 (5) des conditions générales). Ce qui exclut de fait les personnes qui voudraient en bénéficier, mais dont la situation ne leur permet pas d’avoir une carte bancaire. Or « le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France » est puni par l’article R. 642-3 du code pénal (pour une application aux horodateurs : Juriscom.net, 15 avril 2005). A quand les bornes Vélib’ avec monnayeur ?

Cédric Manara
Membre du comité scientifique de Juriscom.net
Professeur associé, EDHEC Business School (LegalEdhec Research Centre), amateur de Vélib

[Commentaires ou objections bienvenus, si vous pensez que cette lecture des textes ne tient pas la route]

 

 

 

 

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