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Rubrique : actualités / Branche : droit des marques et des dessins & modèles / Domaine : noms de domaine et référencement
Citation : Juriscom.net, Cédric Manara , Tu m'cherches ? La société Google condamnée pour contrefaçon de marques dans ses liens publicitaires , Juriscom.net, 28/10/2003
 
 
Tu m'cherches ? La société Google condamnée pour contrefaçon de marques dans ses liens publicitaires

Juriscom.net, Cédric Manara

édité sur le site Juriscom.net le 28/10/2003
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C’est devenu le moteur de recherche le plus populaire à l’échelle mondiale… sans aucune publicité ! Et aujourd’hui, c’est à cause de ses publicités que le géant des requêtes, Google, est condamné par le Tribunal de grande instance de Nanterre. Paradoxal ?

A supposer qu’elles soient fiables, les statistiques indiquent que l’une des interrogations les plus fréquentes des outils de recherche est faite à partir du terme « voyages » (Actu Moteurs, janvier 2003, Semaine 03). Et c’est parce que ce mot figurait aussi dans l’une de ses marques que la société Viaticum a attaqué en justice Google.

Titulaire en effet de marques telles que « LA BOURSE DES VOYAGES », « LA BOURSE DES VOLS », ou « BDV », elle les exploite notamment à travers deux sites internet éponymes <bourse-des-voyages.com> et <bourse-des-vols.com>, opérés par la société Luteciel (également titulaire d’une marque « www.bourse-des-vols.com »). Ces deux sociétés ont découvert que, dans les résultats donnés par Google à une requête formulée avec les syntagmes « bourse des voyages » ou « bourse des vols », apparaissent des liens vers les sites qu’ils exploitent, mais aussi des « liens sponsorisés », c'est-à-dire des publicités pour d’autres sites, concurrents.

Pour ainsi figurer dans les résultats à l’aide d’un bandeau commercial, les concurrents des demandeurs ont préalablement passé un contrat avec Google. Cette dernière société propose deux types d’offres, AdWords et Premium Sponsorship, par lesquelles l’annonceur choisit d’associer une publicité en sa faveur à un ou plusieurs mots qu’il choisit librement. Pour les demandeurs, la « vente » et la « fourniture » (ce sont les qualificatifs utilisés) par Google de mots-clés identiques à leurs marques, qui a pour effet de générer des hyperliens publicitaires dirigeant vers des sites ayant une activité identique à la leur, constitueraient des actes de contrefaçon par usage des marques, par substitution de services, des actes fautifs, par ailleurs constitutifs de publicité trompeuse, et pouvant encore engager la responsabilité de Google pour concurrence déloyale. Ces mots-clés consistent en une combinaison pouvant se révéler identique à une marque (« bourse des voyages ») ou en un mot commun (pouvant par ailleurs figurer dans une marque : « voyages »).

Combien de requêtes ont été faites par les internautes sur Google à l’aide des mots « bourse des voyages » ou « voyages » ? L’espèce ne le dit pas, et c’est regrettable, car on ignore l’ampleur de l’efficacité de la pratique. Reste également inconnu le nombre de « clics » effectués par un internaute sur un site autre que celui de la marque qu’il aurait saisi sciemment dans un champ de recherche. On peut donc s’interroger sur l’ampleur véritable du préjudice… car préjudice il y a eu : c’est la conclusion des juges dans cette décision.

Ils ont en effet étudié les divers constats produits par les demandeurs dans cette affaire, tous attestant d’une utilisation de leurs marques par Google (sur les modalités de cette utilisation, lire les pages 13 et suivantes du jugement). Cette utilisation est considérée comme (1) étant commerciale et (2) faisant suite à la « vente » par Google d’expressions correspondant aux marques… (3) peu important que Google n’ait pas vendu les marques  « bourse des vols » ou « bourse des voyages » en leur entier, dès lors que des liens sponsorisés pour des sociétés concurrentes des demandeurs apparaissent quand est saisi un élément composant ces marques, par exemple le seul mot « vols », ou le seul mot « voyages ».

Pour caractériser ensuite, au regard de l’art. L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, la faute commise par la société Google, les juges relèvent que la société avait le pouvoir d’intervenir, ce qu’elle fait à la demande de certains propriétaires (dans des cas similaires ? Ce n’est pas explicité), et surtout qu’elle tirait un avantage économique de la technologie publicitaire qu’elle a mise en place.

Que retenir de ce jugement (dont la société Google a interjeté appel) ? On peut tout à la fois comprendre les motifs des juges et regretter qu’ils ne soient pas mieux étayés encore, tant l’espèce est d’importance : la pratique incriminée par les demandeurs est en effet liée à la popularité du moteur de recherche, dont ils bénéficient également… Vous avez dit « paradoxal » ?

Cédric Manara
Membre du Comité scientifique de Juriscom.net
Professeur à l'EDHEC Business School

 

 


 

 

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