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Rubrique : actualités / Branche : propriété littéraire et artistique / Domaine : droits d'auteur et droits voisins
Citation : D.R., La Gazette du Net , DailyMotion qualifié d'hébergeur et reconnu responsable de la mise en ligne d'une vidéo , Juriscom.net, 16/07/2007
 
 
DailyMotion qualifié d'hébergeur et reconnu responsable de la mise en ligne d'une vidéo

D.R., La Gazette du Net

édité sur le site Juriscom.net le 16/07/2007
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La qualification juridique à donner aux plates-formes de partage de vidéos vient de connaître une réelle évolution avec un jugement rendu, au fond, par la troisième chambre du Tribunal de grande instance de Paris. Dans cette décision, le tribunal qualifie le site internet d'hébergeur au sens de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique mais retient néanmoins sa responsabilité à l'issue d'un raisonnement autour de la notion "connaissance" de l'activité ou du contenu illicite.

 

En l'espèce, les producteurs du film "Joyeux Noel" constataient la présence de ce dernier sur la plate-forme de partage de vidéos DailyMotion. Une mise en demeure était alors adressée en février 2007, se concluant par le retrait de la vidéo incriminée. Au mois de mars 2007, les producteurs découvraient que des larges extraits du film étaient alors remis en ligne. Ils décidèrent d'assigner DailyMotion qui procédait au retrait du contenu.

 

Dans le cadre de ce contentieux, la qualification juridique à attribuer à DailyMotion est une question primordiale. Les producteurs soutiennent que le site est un éditeur, tandis que DailyMotion soutient qu'il relève du régime des hébergeurs et de l'interdiction qui en découle de procéder à une surveillance générale des contenus.

 

Le Tribunal de grande instance de Paris tranche pour la première fois cette question dans une décision largement argumentée.

 

Il écarte tout d'abord la qualification d'éditeur. En effet, pour les juges "la commercialisation d'espaces publicitaires ne permet pas de qualifier la société DailyMotion d'éditeur de contenu dès lors que lesdits contenus sont fournis par les utilisateurs eux-mêmes, situation qui distingue fondamentalement le prestataire technique de l'éditeur, lequel, par essence même, est personnellement à l'origine de la diffusion, raison pour laquelle il engage sa responsabilité".

 

A noter que le tribunal illustre cette distinction avec l’accord de diffusion signé entre Universal, Warner et DailyMotion où ce dernier devient "éditeur voire co-éditeur dès lors qu'il devient l'auteur de la mise en ligne des vidéos considérées".

 

Dans l’affaire rapportée, en revanche, le tribunal qualifie DailyMotion d'hébergeur et fait application de l'article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Ce texte précise que "Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible."

 

Les juges précisent donc que "ce texte n'instaure pas une exonération de responsabilité mais seulement une limitation de responsabilité restreinte aux cas où les prestataires techniques n'ont pas effectivement connaissance du caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère".

 

Partant de là, le Tribunal indique que "le succès [de DailyMotion] supposait nécessairement la diffusion d'oeuvres connues du public, seules de nature à accroître l'audience et à assurer corrélativement des recettes publicitaires" et que si "la loi a posé le principe de la liberté de communication électronique, elle a également rappelé que cette liberté trouvait sa limite dans la mesure requise notamment par la propriété d'autrui".

 

Ainsi, pour les juges, "DailyMotion doit être considérée comme ayant connaissance à tout le moins de faits et circonstances laissant à penser que des vidéos illicites sont mises en ligne". Dans ces conditions, "il lui appartient donc d'en assumer la responsabilité, sans pouvoir rejeter la faute sur les seuls utilisateurs, dès lors qu'elle leur a fourni délibérément les moyens de la commettre".

 

Les juges qualifient donc DailyMotion d'hébergeur, rejoignant en cela la décision du même Tribunal dans l'affaire "Zadig". Ils retiennent sa responsabilité au motif que le site avait connaissance de faits et circonstances laissant à penser que des vidéos illicites sont mises en ligne et qu'il n'est pas démontré qu'ils ont pris les mesures destinées à retirer ces contenus ou de cesser d'en permettre l'accès. Les juges notent à ce propos que DailyMotion n'a mis en oeuvre "aucun moyen propre à rendre impossible l'accès [à l'oeuvre], sinon après avoir été mise en demeure, soit à un moment où le dommage était déjà réalisé, alors qu'il lui incombe de procéder à un contrôle a priori".

 

Petite précision du Tribunal : "si la loi n'impose pas aux prestataires techniques une obligation générale de rechercher les faits ou circonstances révélant des activités illicites, cette limite ne trouve pas à s'appliquer lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même".

 

Ainsi, en résumé, les juges confirment l'application du régime des hébergeurs aux plates-formes de partage de vidéos mais leur impose de prendre des mesures de contrôle, avant toute publication, dès lors que leur activité - par nature - est susceptible d'engendrer des atteintes aux droits des tiers.

 

Cette décision confirme donc la tendance des magistrats à concilier le maintien du statut des hébergeurs et réponse aux atteintes aux droits des tiers. Compte tenu du contexte, elle est susceptible de s'étendre aux autres plates-formes comme par exemple, les plates-formes de commerce électronique.

 

D.R.

La Gazette du Net

 

 


 

 

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