Par un jugement du 16 novembre 2001, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné solidairement France 3 et la société Plurimédia à verser 15 000 F de dommages et intérêts à chacun des deux journalistes dont elles avaient contrefait les émissions
En l'espèce, France 3 diffusait sur Internet des journaux télévisés par le biais de la société Plurimédia chargée de les numériser et de les reproduire sur le réseau. Les journalistes, auteurs de ces émissions, assignèrent en contrefaçon les deux sociétés au motif que cette diffusion avait été faite sans leur autorisation. Le tribunal dût se livrer à un exercice de qualification de ces journaux télévisés, avant de s'intéresser au devenir des droits d'exploitations de ces œuvres sur le réseau Internet.
Les œuvres diffusées sur Internet étant audiovisuelles, le régime de l'œuvre de collaboration devait leur être appliqué. Toutefois, comme il s'agissait de journaux télévisés, France 3 les assimilait à des œuvres collectives, à la manière des journaux papiers. De ce fait, elle s'estimait titulaire des droits d'auteur pesant sur elles.
Ce raisonnement fut rejeté par les magistrats qui ont préféré voir en ces émissions audiovisuelles des créations soumises légalement au statut d'œuvres de collaboration. (art. L. 113-7 CPI). En conséquence, les titulaires originaires des droits d'auteur sur ces émissions, toujours personnes physiques, ne pouvaient être que les journalistes et la réutilisation de leurs œuvres nécessitait leur accord.
Ayant prévu l'éventuel refus de qualification d'œuvre collective, France 3 a essayé subsidiairement de se prévaloir de la qualité de producteur des émissions, œuvres de collaboration. Au titre de l'art. L. 132-24 CPI, cette fonction lui aurait permis de revendiquer tous les droits exclusifs d'exploitation des journaux télévisés, y compris ceux d'exploitation en ligne.
Là encore, l'argument fut écarté au motif que France 3 ne rapportait pas la preuve d'un contrat de production constatant la cession expresse de ces droits. Les juges ont estimé que ni le contrat de travail, ni l'article 7-4-2 de l'avenant audiovisuel à la convention collective nationale des journalistes (CCNJ), "dont la généralité est contestable", n'emportaient la cession des droits d'exploitation sur le réseau Internet. Le premier ne contenait aucune clause envisageant la cession des droits d'auteur et le second, datant de 1983, était trop ancien pour prévoir le sort des droits d'exploitation en ligne.
Guillaume Gomis
Membre du Comité éditorial de Juriscom.net