COUR D'APPEL DE RENNES 3ème chambre, le 23 juin 2008
Monsieur L T c/ Ministère Public
Mots clés : peer-to-peer - traitement automatisé de données à caractère personnel (oui) - irrégularité (oui) - annulation de la procédure
Extraits :
"Considérant que si c'est de façon pertinente que les premiers juges ont relevé d'une part que l'adresse IP d'un internaute constituait une donnée à caractère personnel soumise aux dispositions de l'article 2 de la loi 78-17 du 6 février 1978 et d'autre part, que le traitement automatisé ou non de telles données en vue de la recherche d'infractions relevaient des dispositions de l'article 9 de la loi susvisée, c'est par suite d'une analyse erronée des éléments de l'espèce et notamment des dispositions des articles 9-4° et 25-I-3° de la loi susvisée, qu'ils ont pu conclure à la régularité de la procédure d'identification de l'auteur et d'établissement de la métérialité des infractions recherchées, après avoir relevé que la qualité non contestée par le prévenu, d'agent assermenté de la SCPP de monsieur L., assimilable à celle d'un officier de police judiciaire et partant d'un auxiliare de justice au sens de la loi du 6 février, dispensait cette société de l'autorisation de la CNIL avant de procéder à un quelconque traitement automatisé ou non de données litigieuses ;
Considérant en effet, que seuls possèdent la qualité d'auxiliaire de justice, au regard des dispositions de l'article 25 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, les avocats ou tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours ; que si l'agent assermenté de la SCPP tient des dispositions des articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle le pouvoir, comme un officier de police judiciaire, de constater les infractions qui relèvent strictement de la mission impartie à son mandat, de telles dispositions, qui ne visent nullement le concours de cet agent à une quelconque procédure ou son intervention au soutient ou en représentation d'une quelconque partie à une procédure, sont impropres à lui conférer la qualité d'auxiliaire de justice ;
Considérant dès lors qu'en consultant les fichiers partagés par le logiciel "peer-to-peer" de monsieur T L ainsi que l'adresse IP de ce dernier, en collectant les données de connexions, en extrayant de façon automatisée par l'utilisation du logiciel espion "SPYSTER" l'adresse IP de cet internaute, sans avoir au préalable sollicité la loi du 6 février 1978, l'agent assermenté de la SCPP, s'est livré à un traitement irrégulier et illicite de données à caractère personnel, pénalement sanctionné, qui justifie que soit prononcée l'annulation du procès verbal relatant ses agissements et constatations ;
Que les actes subséquents, à savoir l'identification sur réquisition du titulaire de l'adresse IP, l'audition de monsieur T L, ainsi que les perquisitions et saisies opérées à son domicile, qui ont tous pour support nécessaire le procès verbal entaché d'irrégularité, doivent être également annulés ;
Qu'il convient en conséquence, d'annuler l'ensemble de la procédure et de renvoyer le prévenu des fins de poursuites ; (...)"
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