- Controverse -
Le juriste confronté à un texte normatif nouveau et déplaisant dispose d’un arsenal varié pour tenter d’en écarter l’application. Il peut chicaner sur son interprétation, contester pied à pied la définition de ses termes, faire appel à l’esprit contre la lettre, s’appliquer à distinguer les hypothèses, voire jouer sur la corde sensible de l’équité et de la justice.
Qui n’a cependant jamais rêvé d’éviter cette rhétorique de gagne-petit au profit du coup de maître, en écartant purement et simplement la loi ? C’est ce rêve que Benoît Tabaka nous invite à réaliser dans un article récent, « La loi pour la confiance dans l’économie numérique serait-elle inapplicable ? » [Juriscom.net, 3 janvier 2005].
Appâté par la forme interrogative du titre, le chaland suppose que l’auteur va lui révéler le secret de l’arme absolue du pourfendeur de lois. L’affaiblissement de la valeur de la loi dans l’ordre juridique est notoire : l’autorité sacrée dont elle était revêtue aurait disparu sous le feu croisé de l’inflation législative, de l’urgence, des mouvements de pression mais plus encore de la soumission à des normes supra-nationales et communautaires particulièrement mal rédigées et trompeuses. Ne peut-on dès lors imaginer que la loi sur la confiance dans l’économie numérique contrevienne à un texte supérieur, et puisse ainsi être écartée ?
A première vue, l’argumentation apparaît rigoureuse et les syllogismes implacables. Mais une analyse plus approfondie fait bien vite ressortir des failles qui, sans détruire l’ensemble de l’ouvrage, le ramènent à des dimensions plus modestes et réalistes...