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Rubrique : actualités / Branche : propriété littéraire et artistique / Domaine : droits d'auteur et droits voisins
Citation : Juriscom.net, Jean-Louis Fandiari , A Bayonne, les téléchargeurs ne sont pas des receleurs , Juriscom.net, 16/11/2005
 
 
A Bayonne, les téléchargeurs ne sont pas des receleurs

Juriscom.net, Jean-Louis Fandiari

édité sur le site Juriscom.net le 16/11/2005
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C'est une nouvelle espèce qui vient de pousser dans le paysage jurisprudentiel français. Une fleur pour les internautes. Un cactus pour les majors. Le 15 novembre 2005, le tribunal de Bayonne a, en effet, relaxé un utilisateur du célèbre logiciel de peer-to-peer « Kazaa » pour le chef d’inculpation de recel.

 

Nous savions déjà, au travers des décisions de Rodez, de Meaux, du Havre, de Toulon et de l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier, que le téléchargement d’œuvres de l’esprit sur les réseaux peer-to-peer pouvait bénéficier, comme au Canada, de l’exception pour copie privée (N. Vermeys, "Citoyen Canadiens, téléchargez en paix", Juriscom.net, 05/04/2004). Mais nous ne savions pas encore, en droit français, si l’infraction de recel pouvait ou non faire obstacle à l’exception pour copie privée dans les cas où l’œuvre téléchargée a pour origine une mise à disposition illicite.

 

Rappelons que, aux termes de l'article L. 321-1 du Code pénal "le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit".

 

A cette question, le tribunal de Bayonne répond par la négative. Nulle infraction de recel pour notre accro du peer-to-peer (un cuisinier basque de 42 ans nous précise l’AFP). En répondant ainsi à ce nouveau chef d’inculpation, qui n’avait point encore été soulevé, et en réaffirmant qu’il n’y a pas atteinte au droit de reproduction, le tribunal de Bayonne contredit les conclusions auxquelles semblent arriver les membres de la commission du CSPLA* en charge de gloser sur le sujet. Ces conclusions, récemment publiées par EUCD.info, sont ainsi formulées : « S’il ne résulte aucune certitude des débats de la Commission, faute de consensus, il convient cependant de noter qu’une très grande majorité des membres rejette l’analyse en copie privée ».

 

Mais qui, du juge ou du Conseil « Supérieur », l’emporte sur l’interprétation du droit ? Impossible de répondre à cette délicate question sans exhumer Montesquieu, ce qui ne saurait être réalisé dans le cadre du présent exercice. Simplement, loin de vouloir remettre en cause la rectitude du (futur) rapport du CSPLA, constatons que les principes du débat démocratique ont été respectés au cours des travaux de sa commission : il est bien normal, en effet, que la liberté des internautes se décide à la majorité d’un collège composé presque exclusivement d’ayants droit...

 

Revenons à notre jugement. Le tribunal de Bayonne ne s’est pas borné à relaxer le cuisinier basque. Il l’a quand même condamné pour la « mise à disposition du public » non autorisée de 2 474 fichiers musicaux. Une fleur de cactus pour les majors ? Pas si sûr car le prévenu n’est contraint de verser à la SCPP, partie civile dans l’affaire, qu’une simple indemnisation forfaitaire de 700 euros, pour ce terrible … forfait.

 

Le principe d’une somme forfaitaire ne s’était, lui non plus, encore jamais vu dans ce genre d’affaires. Les dommages et intérêts versés à l'industrie musicale sont traditionnellement calculés en fonction du nombre de fichiers téléchargés. Une seconde « première », donc, pour conclure sur cette affaire que nous analyserons sans doute en détail à l’occasion de sa publication.

 

Jean-Louis Fandiari
Consultant NTIC
jlfandiari@hotmail.com

 

 

*CSPLA : Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique rattaché au Ministère de la Culture

 

 


 

 

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