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Rubrique : actualités / Branche : propriété littéraire et artistique / Domaine : droits d'auteur et droits voisins
Citation : Juriscom.net, Lionel Thoumyre , Téléchargement : la Cour d'appel d'Aix-en-Provence écarte la copie privée pour les fichiers d'origine illicite , Juriscom.net, 19/09/2007
 
 
Téléchargement : la Cour d'appel d'Aix-en-Provence écarte la copie privée pour les fichiers d'origine illicite

Juriscom.net, Lionel Thoumyre

édité sur le site Juriscom.net le 19/09/2007
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Cette actualité a fait l'objet d'un rectificatif important suite à la réception du texte de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Très attendu dans la communauté des internautes, l’issue de l’affaire « Aurélien D. » se solde, sans réelle surprise dans le contexte actuel, par la condamnation de l’ancien adepte du peer-to-peer.

Selon la Gazette du Net, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence « aurait retenu le caractère illicite de la diffusion des fichiers incriminés sur l'internet et en aurait déduit l'impossibilité de faire application de l'exception de copie privée » (le texte de la décision n'a pas encore été rendu public). [Rectificatif du 23/09/2007 : ce n'est pas l'origine illicite des oeuvres qui a motivé la sanction mais le fait qu'Aurélien D. n'en a pas fait un usage privé]

Alors âgé de 22 ans, Aurélien D. avait été poursuivi en 2004 pour la détention de 488 films, en partie téléchargés sur internet et en partie copiés à partir de CD Rom empruntés.

Le 13 octobre 2004, le présumé pirate avait été relaxé par le Tribunal correctionnel de Rodez. Constatant que « les films en question n’étaient réservés qu’à l’usage privé du prévenu et non destinés à une utilisation collective », les juges s’était appuyés sur l’exception pour copie privée, prévue à l’article L. 122-5 2° du Code de la propriété intellectuelle, pour écarter le chef de la contrefaçon.

Le jugement avait été confirmé par l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 10 mars 2005 (S. Rouja, "P2P, le jugement de Rodez est confirmé en appel", Juriscom.net, 12/12/2005).

Survenue plusieurs mois avant les débats parlementaires portant sur le projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), cette décision avait provoqué de nombreux remous dans le milieu des ayants droit. Elle n'avait pas non plus laissé la doctrine indifférente. Les uns estimaient, à l'instar des magistrats de Rodez et de Montpellier, que l’exception pour copie privée doit s’appliquer quelle que soit la source de la copie, les autres, prenant appui sur une interprétation du test en trois étapes, considéraient que la source de la copie devait nécessairement être d’origine licite.

Le test en trois étapes : une protection pour le droit exclusif, une loterie pour l’utilisateur

Pour rappel, le test en trois étapes issu de la Convention de Berne ne tolère une exception au droit d’auteur et aux droits voisins que sous trois conditions :
- l'exception doit se limiter à un cas spécial ;
- elle ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ;
- elle ne doit pas causer de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’ayant droit.

Les interprétations de ce test sont loin d’être uniformes. Une chose est néanmoins certaine : chacune de ces étapes constitue un obstacle à surmonter pour pouvoir bénéficier d’une exception.

Adoptée le 1er août 2006, la loi DADVSI a intégré les deux dernières étapes du test dans le corps des articles du Code de la propriété intellectuelle consacrés aux exceptions (L. 122-5 et L. 211-5). Ayant choisi cette voie, le législateur a entendu renforcer la protection du droit exclusif des ayants droit, au détriment toutefois de la sécurité juridique des bénéficiaires des exceptions. Car, en effet, l’utilisateur doit dorénavant expertiser l’usage qu’il fait de chacune des exceptions existantes (représentation dans le cercle de famille, copie privée, courte citation, parodie etc…) afin que celui-ci constitue bien une « exploitation normale » de l'objet protégé et qu’il ne porte point un « préjudice injustifié » aux « intérêts légitimes » de l’ayant droit. Le bénéfice d’une exception est donc, depuis le 1er août 2006, bien hypothétique.

Un fragile suspens depuis l’arrêt de la Cour de cassation

Entre temps, la Cour de cassation avait, dans un arrêt du 30 mai 2006, cassé celui de la Cour d’appel de Montpellier au motif que celle-ci ne s’était pas expliquée « sur les circonstances dans lesquelles les œuvres avaient été mises à disposition du prévenu » et qu’elle n’avait pas répondu « aux conclusions des parties civiles qui faisaient valoir que l'exception de copie privée prévue par l'article L. 122-5, 2°, du code de la propriété intellectuelle, en ce qu'elle constitue une dérogation au monopole de l'auteur sur son œuvre, suppose, pour pouvoir être retenue, que sa source soit licite et nécessairement exempte de toute atteinte aux prérogatives des titulaires de droits sur l'œuvre concernée ».

Ce faisant, tout en suggérant la position qu’elle pouvait prendre sur le sujet, la Cour de cassation ne reprochait explicitement aux juges du fond que le fait de n’avoir point répondu aux conclusions soulevées par la partie civile. Il s’agissait d’un arrêt de procédure, par ailleurs rendu sous le seul visa de l'article 593 du Code de procédure pénale. La plus Haute juridiction renvoya à la Cour d’Aix-en-Provence le soin de se prononcer définitivement sur l’affaire.

Mais les dés étaient jetés. D’une part, il arrive que la Cour de cassation recourt à l'arrêt de procédure pour contrer une solution qui ne la satisfait pas, sans avoir à se prononcer explicitement sur un sujet polémique et sensible (le projet de loi DADVSI était encore discuté au Parlement). D’autre part, les députés avaient d’ores et déjà adopté un certain nombre de dispositions davantage tournées vers la protection du droit exclusif des ayants droit qu’à la préservation des exceptions.

Dans ce contexte juridique, la solution retenue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence n’est guère surprenante.

Lionel Thoumyre
Directeur de Juriscom.net

 

 


 

 

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